#2784

Dans ma jeunesse, les films de Jacques Tati passaient à la télé — eh oui. J’ai donc du voir chacun quatre ou cinq fois, et j’en ai conçu un attachement inépuisable à ce grand monsieur. D’où l’hommage que je lui ai rendu dans le deuxième recueil d’Olav & Viat Koulikov, Souvenirs d’un détective à vapeur (aux Saisons de l’étrange). D’où aussi, je le notais sur mon blog à l’été 2002, « Et comment ne pas craquer, lorsqu’on est comme moi un « fou de villes », devant le portrait à la fois léger et profond d’une bien belle nuit blanche en ville… Tati fut-il une des influences décisives qui firent de moi le « flâneur urbain » que je suis devenu? Peut-être. Sans doute. » Et un ami me fit un jour de 2004 le plus beau des cadeaux : il m’amena par surprise le long de la côte vers Saint-Nazaire, jusqu’à… Saint-Marc-sur-Mer — la plage des Vacances de monsieur Hulot ! Avec l’Hôtel de la plage, absolument inchangé depuis l’époque, et une petite statue de Tati…

#2783

Ces mois-ci, je suis à fond dans la littérature populaire : les Moutons électriques développent une collection un peu à part, le « Rayon vert », qui fit une série de cuisants échecs en librairie mais qui, par la grâce du « print on demand », trouve enfin à rebondir de manière plus pérenne. Ainsi, cela nous fait une « ligne » qui ne risque pas de faire de l’ombre aux libraires ni aux diffuseurs, tout en nous apportant un petit ruisseau de vente par correspondance, très faible mais que l’on peut espérer être régulier, sur pas mal d’années. Pas un modèle économique viable en soi, étant donnée la masse considérable de boulot que cela exige, mais une satisfaction malgré tout pour notre âme d’amateurs de littérature populaire et de boulimiques de bouquins. Ainsi ai-je reçu il y a quelques jours l’énorme pavé de polars de Léon Groc et ai-je placés chez l’imprimeur deux titres hier soir, une réédition brochée de Un mois sous les mers de Tancrède Vallerey (1933) et le premier volume de l’intégrale des Teddy Verano, le détective des fantômes de Maurice Limat (1936-1942). Tandis que l’on avance sur le deuxième volume — c’est une tâche lente car OCRiser puis corriger des textes provenant de vieux fascicules un peu effacés ou baveux, piquetés et souvent, hélas, mal scannés (ombre centrale du pli), n’est vraiment pas chose aisée. Ça ira mieux lorsque nous arriverons aux volumes non plus de fascicules mais de romans, qui eux sont déjà presque prêts.

(Photo symbolique : la beauté dans le caniveau !)

#2782

Il y a sept ans, j’avais eu la chance de faire la connaissance de Monique G. Chateau, fille cadette de l’écrivain populaire Léon Groc. Elle était coquette sur son âge mais avait alors 94 ou 95 ans. Je suis allé la voir plusieurs fois, dans son étroit appartement parisien bourré à craquer de livres (dans le couloir il fallait presque passer de profil) et, comme débutait le plan ReLire de spoliation des œuvres du XXe siècle, j’avais finalement signé avec elle un contrat pour certains romans de son père. Nous les avons publié en numérique, comme prévu, mais ne l’avions pas fait en papier et puis, comme maintenant les Moutons électriques développent une vraie collection de rééditions à tirage limité de littérature populaire (déjà 12 volumes réalisés), nous nous sommes dit que le temps était venu. Voici, c’est arrivé à l’instant, le beau bébé fait 818 pages, rien que ça.

#2781

« To me, dystopia has lost its bite. A, we’re living in it, and B, it’s such a complete crushing series of cliches at this point. The tropes have all been worked and reworked so many times. (…) A positive vision of the future articulated through principles of tolerance and egalitarianism and optimism and the quest for scientific knowledge, to me that’s feels fresh nowadays.( (Michael Chabon)

#2780

Odeurs de feuillage, de fleurs, quelques bourdonnements, les gloussements d’un poulailler non loin d’ici, la chatte qui se roule sur les dalles grises. Hier soir l’existence me paraissait une plate boutique, comme disait Flaubert, et je me suis couché tôt : je n’en fus récompensé que d’une longue insomnie, qui me permit la lecture d’une bonne moitié d’un Simenon « dur ». À 5h 25 le tintement d’un texto, une jolie nouvelle, tandis que par le vasistas entrouvert filtraient les vocalises matinales des volatiles. Matin lecture, encore, mais au jardin, avant que de regagner ma serre de lettres imprimées, comme disait Gébé, pour en préparer d’autres, le flot plaisant des polars fantastiques de Maurice Limat, dont la musique désuète mais habile occupe en ce moment mes journées.