#2394

Un peu d’insomnie. Les yeux fermés et les oreilles tendues, j’écoute ce que la nuit peut bien raconter. Mais elle ne s’avère guère bavarde, dans cet environnement citadin il n’y a ni criquet ni grillon (ces derniers se trouvent dans le pierré du chemin de fer et leurs percussions acides ne me parviennent pas), non plus qu’hiboux ou chouette, encore moins crapaud ou grenouille. Le glissement de l’escargot, le pas de la fourmi, le tissage de l’araignée, le vol de la phalène, ne font aucun bruit. Il n’y a que le long grommellement d’un moteur sur le boulevard, une moto dans le lointain, le silence surtout, un instant le feulement de roues sur l’asphalte, le grand calme nocturne d’une ville de province. Un train passe, houle urbaine, je me laisse emporter par le roulis des vagues, le visage caressé par la fraîcheur.

#2393

Lorsque le soleil ne joue pas les grands spectacles de rose et de rouge, là-bas, au-dessus de l’échancrure ferroviaire, la tombée de la nuit estivale ressemble plutôt à une levée : celle du bleu qui, après le blanc métallique ou le cuivre translucide de la fin du jour, passe au grand cobalt et, nuance après nuance, prend des tons plus absolus, plus profonds. Mais il suffit que je détourne le regard un moment et subitement, tout est sourd, il ne reste qu’un éclat avant que l’on bascule dans cette nuit qui couvre la ville d’une glaise rougeâtre.

#2392

Des fantômes en façade… Parfois en ville, en levant le nez s’aperçoit une ancienne publicité, que dis-je: une réclame, qui d’antan fut peinte là. Combien de temps encore les devinera-t-on ? Juste en amont de la portion tilleul du cours de la Somme, dans un angle haut perché de pierre blonde, se déchiffrent les lettres rougeâtres d’un Vin tonique au quinquina, auxquelles se superposent les grands contours noirs de la marque Antar en mémoire écaillée.

#2391

Semi-vacances : plus trop de choses à faire, je me relaxe donc. En lisant, lisant, lisant. Surtout. Et la lecture ça fait aussi partie de mon boulot, après tout, mais je peux vous dire que je n’y rechigne pas : les derniers manuscrits de nos auteurs sont ouahou-ouahou. Genre le petit recueil de nouvelles de Chloé Chevalier, formidable de maitrise. Le premier tome de la trilogie de fantasy urbaine de Mathieu Rivero, magnifiquement solaire. Le roman de Christine Luce, trouble et enivrant comme une absinthe. Celui de Robert Darvel, fou et captivant. Ça c’est de la lecture « pro » qui rime avec intense bonheur.

#2390

Erf, bon, va mieux falloir parler de petits oiseaux. Genre, durant ces quelques jours de canicule subite, je n’entendais plus le merle, au point que je m’étais même un peu inquiété : mais il était toujours là, et madame aussi, sautillant de branche en branche dans le troène et le micocoulier. Depuis cette nuit que la température est revenue à des niveaux agréables, le merle chante de nouveau, d’évidence la chaleur ne lui convenait guère.