#2534

Luxe aussi inouï qu’adorable : entrer dans une librairie, et après une bise le libraire de vous annoncer qu’une part de tarte à la fraise vous attend. Et fort bonne, cette tarte à la crème et aux fraises, faut-il dire. Merci Léo, you made my day. Encore une fois, pour moi la Zone du Dehors est bien plus qu’une librairie. Mais foin de gourmandise, c’est d’appétit livresques que je voulais parler : une autre forme de gourmandise, qui prend celle d’une pèche, d’une sérendipité qui m’est chère. À savoir, entrer dans une librairie, errer dans les rayons et se laisser séduire au hasard, par des livres qui vous font de l’œil. Et je dois avouer que cette errance, elle m’arrive bien peu souvent dans les librairies françaises — la faute m’en incombe, je ne me sens pas très à l’aise dans ces rayonnages blanc-beige, la conception germano-pratine de la littérature m’ennuie, le politiquement correct franco-livresque me rebute, la laideur sérieuse et respectable n me met pas en appétit, je (re) connais trop tout cela, la prod locale ne me fait que peu rêver… Alors les rares fois où j’ai l’occasion d’aller dans une librairie anglaise, ah quel bonheur en revanche, quel exotisme soudain : je furète, je découvre, les couvertures me ravissent, les graphismes m’ébaudissent, et je prends des livres qui me font de l’œil, dans un « hasard heureux » qui me déçoit rarement. Tout cela pour dire qu’hier soir, après cette délicieuse tarte aux fraises, pourtant un grand album jeunesse m’a fait de l’œil, je l’ai parcouru, immédiatement sidéré et séduit graphiquement ; je l’ai acheté et je confirme : c’est une pure joie. C’est bien simple, on croirait qu’on l’a fait juste pour moi, cet album : le foisonnement, les animaux anthropomorphes, le format immense, son esthétique… et de découvrir même, à la lecture, que le sujet est discrètement gay : les deux personnages qui se disputent au début et se rabibochent à la fin, c’est bien un couple masculin, visiblement, d’ailleurs à la dernière page se distingue une photo que je suppose être de leur mariage. Auteurs néerlandais, éditeur suisse, chapeau bas.

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#2533

Lu à l’instant dans le Guardian un papier sur un député conservateur qui ne se représente pas car son parti lui a demandé discrètement de se retirer suite à des propos homophobes qu’il venait de tenir. Pas en France que ça arriverait. Et nous vivons des temps intéressants — au sens chinois de l’expression. Tout le monde et son voisin est devenu éditorialiste. Sur les nerfs. En face, un adversaire et une ennemie. Grosse fatigue, serrer les dents.

#2532

Retour du marché du mercredi, ce pays de vieux Français à moustache, au poil blanc et à l’accent frisé. Plaisir de l’achat en plein air, où chaque nom est un goût ou une couleur : tomates, aillet, champignons, greuil, langres, cheddar fumé, sainte-maure, gaperon, phlox, lobelia, ancolie, marmandes…

#2531

IMG_0169À quoi ça tient, des fois, une vie d’éditeur… Nous n’avions assurément pas prévu de nous mettre à publier une bonne partie de nos titres en petit format… Le hasard d’un texte court, puis d’un autre, puis d’un autre, et le constat du peu de rentabilité des inédits en format de poche Hélios, peu à peu ces conjonctions ont redessiné le catalogue des Moutons électriques vers ce que nous appelons entre nous la « petite Voltaïque », ce joli format 14 x 18,2 cm qui a une bonne main et semble réellement plaire… Et en voici déjà une belle douzaine de parus, c’est fou.

#2530

Hier encore il faisait beau et chaud, et je m’étonnais avec plaisir que les rues près de chez moi embaument les fleurs — en particulier, la senteur des nombreux lilas, dodelinant de leurs lourdes têtes blanches dans dans tous les jardins. Mais ce matin, après la pluie et sous un ciel gris, d’autres odeurs naturelles montent dans le quartier, cette fois comme un fumet d’humus et de champignon, pas désagréables non plus.